Comme chaque année je passe la période de Noël en famille. J’ai quitté Paris le samedi 19 pour me rendre à la campagne. Alors que j’étais tranquillement assis dans le TGV, mon voisin a commencé à me parler et m’a demandé ce que je pensais de Noël. Je lui ai dit que c’était une belle fête et que c’était l’occasion de faire des cadeaux à ceux que l’on aime. Et là il m’a répondu :
Et vous ne trouvez pas que c’est un peu une fête commerciale ?
Après quelques secondes de réflexion, je réalisais alors qu’il avait raison… Il m’avait ouvert les yeux. Étant maintenant conscient que Noël était une mascarade au service du capitalisme, je décidais donc de lutter contre ce système à mon échelle en passant toute la semaine de Noël dans la forêt, loin de cette folie consumériste.
Lundi 21 décembre
J’ai passé ma première journée à me balader en forêt, quel bonheur d’être proche de la nature, enfin déconnecté ! J’ai jeté mon dévolu sur cette petite clairière pour y passer la semaine :
J’ai tenté de faire un feu mais en vain, tant pis, j’ai un gros manteau en plan B 😉 Puis, quoi de mieux que d’avoir froid pour se rappeler qu’au fond, on est rien ?
Mardi 22 décembre
Déjà un jour que je suis livré à moi-même dans la forêt, loin de la folie des hommes et loin de ma famille. Je sais que je lui manque, elle me manque un peu aussi je dois bien l’avouer, mais je trouve dans l’air frais et dans les arbres une autre forme de compagnie. Je profite du temps que j’ai pour méditer et communiquer avec les arbres alentours, j’ai l’impression de leur parler. La loutre et le héron sont désormais mes amis.
Je me sens en symbiose avec mon environnement, je n’ai jamais été autant en paix. J’ai même l’impression de perdre certains réflexes d’homme civilisé. Je compile toutes mes pensées dans un journal intime pour garder une trace de cette expérience unique.
Soit dit en passant, je suis assez content de ne pas avoir à faire de cadeaux de Noël, car je n’ai jamais d’idée, ni d’argent.
Mercredi 23 décembre
Bonjour à tous, je m’appelle Antoine. Je suis le frère de Babor. C’est moi qui vais reprendre la narration de cet article… car la suite de la semaine ne s’est pas déroulée totalement comme prévu.
Babor m’avait informé de son projet de partir vivre en ermite pendant les fêtes, pourquoi pas… après tout. J’ai quand même tenu à lui rendre visite dans sa forêt, l’occasion de lui amener un petit saucisson. Il m’avait dit à peu près où il comptait établir son camp, mais quand je suis arrivé sur place, impossible de le trouver. Babor n’a pas spécialement l’habitude de vivre à l’extérieur, il n’a jamais fait aucun stage de survie, n’a jamais regardé Man vs Wild, et ne sait pas chasser. Il ne sait pas non plus se défendre et a peur du noir. Je m’inquiétais. Je décidais donc de partir à sa recherche. En me rendant compte que mon frère était peut-être en danger, je pris la décision de le ramener à la maison pour Noël.
Après plusieurs heures de recherches, j’ai trouvé ce qui semble être des excréments humains, près d’un point d’eau, sûrement une piste solide. Après tout, il a besoin d’eau pour vivre. Comme tout le monde !
Mon intuition était fondée, après avoir quadrillé la zone, j’ai retrouvé son journal intime…
Les dernières lignes qu’il a écrites datent de mardi soir, son écriture s’est dégradée… et la fin est presque illisible. Comme la nuit n’allait pas tarder à tomber, je décidais de rentrer et de revenir demain, en espérant que Babor passerait la nuit. S’il est encore vivant à l’heure où j’écris ces lignes.
Jeudi 24 décembre
Nous sommes à quelques heures de Noël, et je me suis réveillé tôt afin de retourner à l’endroit où j’avais trouvé le journal intime. Après avoir ratissé la zone, j’aperçus mon frère, ou plutôt, ce qu’il en restait…
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C’était lui.
Il fallait que je le ramène. J’ai crié son nom mais il ne semblait pas me comprendre. J’ai l’impression qu’il était devenu une sorte d’animal. Après deux jours sans aucun contact humain et sans Snapchat, on ne pouvait pas s’attendre à autre chose. Je l’ai vu de loin tenter de s’accoupler avec un écureuil.
Je me suis donc mis à réfléchir à un plan : l’attirer grâce à l’odeur de ses propres déjections que j’avais soigneusement gardées, et ensuite… l’attacher avec une laisse.
J’ai peiné à l’approcher, je crois qu’il ne m’a même pas reconnu, moi, son frère. C’était un moment difficile.
Après 30 minutes d’essais infructueux, j’ai réussi à lui mettre la main dessus et à l’attacher avec une laisse. Enfin ! J’allais pouvoir le ramener à la maison afin de passer d’excellentes fêtes de fin d’année, en famille.
Mais ce ne fut pas une mince affaire… J’ai senti qu’il était totalement revenu à l’état sauvage.
Vendredi 25 décembre : Le jour de Noël
Malgré la présence de toute sa famille, Babor n’a pas réussi à se réintégrer à la société ni à reparler autrement qu’en aboyant. Il n’a même pas voulu ouvrir ses cadeaux, il était totalement terrorisé par l’esprit de Noël.
Après le repas qu’il a jeté dans son intégralité sur ses petits cousins, je suis allé le sortir un peu, pour l’aérer et lui faire faire ses besoins.
Au cours de la promenade, Babor a croisé un pitbull, et il s’est senti obligé de l’attaquer car il était sur son territoire, dans sa forêt.Malheureusement, Babor s’est fait dévorer l’estomac. J’ai essayé de les séparer, en vain, mais ils se sont entretués comme deux bêtes enragées…
Sa dépouille gît désormais dans la chambre d’amis de la maison familiale. Nous avons flouté sa blessure mortelle car c’était vraiment dégueulasse.
Conclusion
Voilà. Pour Noël j’ai perdu un frère, Mais relativisons, j’ai reçu un très beau pull en cachemire.
Babor est mort pour ses convictions, et se sera fièrement dressé contre les standards de notre société… et ça, toute notre famille en est fière, même si on aurait préféré qu’il reste en vie. N’hésitez pas à liker sa page Facebook à titre posthume, il aurait aimé que vous fassiez ce geste. Et n’oubliez pas : chaque like, c’est un ermite qui prend une douche.